Le contexte
L'association Premiers Regards a été créée sous l’impulsion de sages-femmes (pour la majorité exerçant en structures hospitalières) conscientes de la difficulté croissante de proposer un accompagnement individualisé aux femmes et aux couples au sein des maternités. Ce constat fait aussi écho aux nombreux mouvements réclamant la possibilité pour les femmes de pouvoir choisir plus librement le lieu de leur accouchement sans compromettre leur santé ou celle de leur enfant.
Actuellement, la France compte 8 maisons de naissance. Ouvertes à titre expérimental, l’activité, la qualité des soins et l’efficience médico-financière de ces maisons de naissance ont été évaluées par différents rapports qui ont permis d’établir et de confirmer la pertinence d’une telle offre de soin pour les femmes ne présentant pas de risque de complications particulières (bas risque obstétrical).
Au vu des résultats positifs des différents rapports, une loi pérennisant les maisons de naissance en France a été votée fin 2020, conduisant à la création de nombreux collectifs qui se mobilisent pour promouvoir et développer une telle offre de soin sur le territoire français. L’association Premiers Regards s’inscrit dans ce mouvement.
L’institut IPSOS a publié début 2021 les résultats d’une enquête interrogeant les femmes au sujet des maisons de naissance. Les résultats ont permis d’estimer que près d’un tiers des femmes françaises auraient souhaité de manière certaine un accouchement en maison de naissance, alors que 64% auraient pu l’envisager. De plus, l’enquête a permis de révéler que 9 femmes sur 10 se déclarent en faveur du maintien de ces structures.
Afin de démontrer l’intérêt pour les maisons de naissance en Haute-Savoie, l’association Premiers Regards a diffusé un sondage auprès de femmes dans la population générale pendant 10 semaines durant l’été 2021. Les objectifs étaient d’évaluer la demande en Maison de Naissance en Haute Savoie auprès d’un échantillon de femmes en âge de procréer, mais aussi d’identifier les motivations des femmes et les obstacles pour l’accouchement en maison de naissance.
Méthodologie
Un questionnaire Google a été adapté d’après un sondage utilisé par le Collectif des Maisons de Naissance. Une fois créé, ce sondage a été diffusé via les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, LinkedIn, HelloAsso, etc…), mais également grâce au relais des sage-femmes exerçant en activité libérale et en structures hospitalières via l’affichage d’un flyer comportant un QR code à scanner pour accès direct au questionnaire. Le sondage a été diffusé du 15/06/2021 au 28/08/20121. La libre diffusion de ce sondage n’a pas permis de sélectionner un échantillon représentatif de la population. En effet, le but du sondage était d’obtenir une image instantanée de la demande locale, en Haute-Savoie, pour la création d’une maison de naissance.
Les résultats ont été exploités en octobre et novembre 2021 afin de fournir une analyse quantitative de la demande (exprimée en %), des motivations et des obstacles.
Les facteurs d’inclusion au sondage étaient l’âge des répondants (femmes majeures en âge de procréer 18-49 ans) ainsi que leur lieu de résidence (Haute-Savoie et communes appartenant au pays de Gex ou pays Bellegardien voisins).
N’ayant pas collecté de données personnelles, aucun comité d’éthique n’a été consulté pour la diffusion de ce sondage.
Résultats
1472 réponses ont été reçues. Nous avons exclu 102 formulaires qui ne correspondaient pas à nos critères d’inclusion. Au total, 1370 formulaires ont pu être exploités pour l’analyse des résultats.
Caractéristiques des répondantes
a) Année de naissance
L’âge moyen des femmes ayant répondu au sondage était de 32 ans. Le Graphique 1 permet de visualiser la répartition des réponses en fonction de l’âge des participantes au sondage.
b) Commune de résidence
97% des femmes ayant répondu au sondage résident en Haute-Savoie.
c) Statut obstétrical et choix du lieu d’accouchement
Parmi elles, 74.5% des femmes envisagent la Maison de Naissance comme l’une des options possibles pour l’accouchement à venir, reflétant la forte demande des usagers. Ce chiffre est cependant à nuancer et à interpréter comme reflétantune option potentielle : en effet, de nombreuses participantes ont formulé un choix multiple pour leur prochain accouchement (voir Graphique 3). Ceci s’explique en partie par le fait que l’offre de maison de naissance n’existe pas en Haute-Savoie à l’heure actuelle. Il faut cependant souligner que 16% des répondantes enceintes (N=126) ne formulent qu’un seul choix : celui d’accoucher en maison de naissance.
Les autres lieux d’accouchement envisagés (choix unique ou multiple) sont : l’hôpital public (39.8%), l’accouchement à domicile (AAD, 26%), l’accouchement en plateau technique (25%) et l’accouchement en structure hospitalière privée (18.8%).
72.5% des répondantes avaient déjà accouché au moins une fois (N=993). La majorité des accouchements antérieurs ont eu lieu en hôpital public (toute parité confondue).
Connaissance des maisons de naissance : motivations et obstacles
Le concept de maison de naissance est familier de la grande majorité des répondantes (presque 82%) (graphique 4). Parmi les sources d’information les plus cités par les femmes ayant des connaissances préalables concernant les maisons de naissance (N=1116), on retrouve les médias (44,8%), les ami.e.s ou connaissances (40,2%), les professionnel.le.s de santé (35,3%) et les réseaux sociaux (33%). Plusieurs sources d’information ont souvent été citées de façon concomitante, démontrant l’intérêt croissant pour les maisons de naissance à différent niveau (individuel, social, professionnel).
Toutes situations confondues (actuellement enceinte ou pas, et avec ou sans intention d’avoir un prochain enfant), plus de 91% des répondantes déclarent présenter un intérêt par un accouchement en maison de naissance.
Ce fort engouement révèle des motivations multiples chez les femmes interrogées. Les principaux facteurs sont : la volonté de vivre un accouchement moins technicisé dans un environnement calme (79,1%), le fait de pouvoir bénéficier d’un suivi global avec une sage-femme (73,5%) tout en étant rassurée par la proximité avec un établissement partenaire en cas de complication (64,7%). La peur de l’hôpital ou des procédures médicales n’est évoquée que dans 13,4% des réponses, tandis que la volonté de retour très précoce à domicile après l’accouchement n’est citée que dans 37,5% des réponses.
Les principaux obstacles à l’accouchement au sein d’une maison de naissance chez les femmes interrogées sont : les dépassements d’honoraires (45,7%), ne pas pouvoir bénéficier d’une péridurale (37,2%), la distance avec le domicile (35,4%), le retour précoce à domicile (26,3%) et la peur pour sa sécurité ou celle de son enfant (26,1%).
51,9% des répondantes sont prêtes à effectuer jusqu’à 30 min de trajet et 45,4% sont prêtes à faire jusqu’à une heure de trajet.
Conclusion
Ce sondage a reçu un intérêt important et a permis de montrer que la création d’une maison de naissance en Haute-Savoie est une demande forte de la part des femmes en âge de procréer sur le territoire.
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